Monday, January 12, 2009


Séminaire de négociation.
Souk style v/s H.E.C.



« Naturellement » appelés à occuper des postes importants*, les bons énarques doivent maîtriser l'art de la négociation. C'est ce qu'on m'a dit avant de me faire plonger pendant 3 jours non stop de 9h à 18h dans un séminaire de négo.
Rien de futile dans l'expression « négo », car je suis certain que plus d'un égo s'est plutôt mal sorti de l'expérience.
Les cours ont commencé avec un exercice de simulation où deux pays imaginaires devaient régler un conflit ethnique et géopolitique sous l'influence des puissances voisines.
Avant de commencer, un certain nombre d'instructions nous avaient été distribuées de façon telle à bien préparer l'argumentation et essayer de trouver une stratégie.
Une fois la négo commencée, tous les participant se sont bien circonscrits aux directives.
Tous? Non, car un groupe d'irréductibles non Gaulois résista encore et toujours au civilisateur!

Gad Elmaleh a un sketch célèbre où il décrit les différences entre les enfants franco-français et ceux issus de l'immigration maghrébine. Face à des cahiers de coloriage, le petit Français ne sort surtout pas! des limites du dessin, tandis que les autres, dit-il, colorient partout sauf sur le dessin.
Ce fût un peu le cas pour l'un de mes camarades que, confronté à une élève issue du concours externe et dont le CV inclut un passage par la célèbre Haute École de Commerce à Versailles, a absolument débordé les limites des instructions données.
Avant même de commencer les pourparlers diplomatiques. Mon camarade a évoqué l'existence de prisonniers politiques qu'il fallait immédiatement libérer. Avant même de commencer à négocier!
Pour rendre une longue histoire courte, ça a été une salade monumentale qu'a bien marché.
Du bluff diraient les joueurs de poker. Des avantages comparatives découlant des différences culturelles dirais-je.
La gazelle en question n'a rien pu faire face à un cerveau bien entrainé en raison d'un héritage de siècles de marchandage dans les souks Maghrébins. Bref, il l'a bien eu.
Face à un tel coup de maître on aurait du arrêter le séminaire et repenser son contenu mais, les manifestations de la pulsion civilisatrice de nos conférenciers ont continué encore pendant deux jours.
En faisant appel à toute sorte de techniques élaborées à Harvard, à l'ESSEC et à Londres, nos conférenciers essayaient de nous faire rentrer dans le cadre, id est peindre dans les limites du dessin. Peut-être, ils auraient pu y arriver s'ils n'avaient pas inclue une négociation quantitative parmi les exercices. Du quantitatif, ça c'est du fric! Welcome back alors dans la logique du marchand.

J'ignore l'identité de la victime cette fois ci, mais le massacre n'a pas été modeste.
Dans un cas de négo immobilière, il nous a été distribué une grille de résultats potentiels. En concret il s'agissait obtenir la majeure rentabilité possible en fonction d'un côté, d'un indice (entre -30 et 60) et de l'autre côté d'une atteinte de gains (entre 400 et 1500). Si dans le cas géopolitique mon pot aurait pu faire quelques concessions, s'agissant de fric, il a été sans pitié.
Résultat 1400 pour lui –24 (oui moins 24) pour la victime.
Lors du debriefing en guise de défense elle a baratiné qu'ils avaient quand même été restés dans le cadre des résultats prévus par la grille. Autrement dit, dans les limites du dessin.
Bravo pour la négo.

*Axiome bien répandu qu'il faudrait quand même vérifier un jour.

Friday, January 9, 2009

Les élections. Pour quoi faire simple si l'on peut compliquer les choses?


Ma vie à l'ENA a commencé dans une ambiance plutôt cool et multi-culti que promettait une bonne entente entre camarades et un cadre de riches échanges. Ce fût le cas pendant quelques semaines, mais, « hélas, hélas, hélas », les élections de délégués sont arrivées.


Les hommes politiques (et ici ils font légion) savent bien que lorsqu'on veut compliquer les choses il faut appeler un juriste. Ça a été apparemment le cas des responsables de fixer le mode de scrutin et la procédure pour choisir 2 délégués sur un univers d'attention... 25 électeurs.


Dans n'importe quel pays civilisé y compris le Darbekistan et la Guinée Conakry l'administration sait bien que, faute d'un bon coup d'État et face à un univers électoral si petit, la modalité uninominal à majorité simple est la procédure la plus adéquate.


Mais, « hélas, hélas, hélas » il fallait choisir le système à la représentation proportionnelle avec têtes de liste et attribution de sièges selon le système du plus fort reste en fonction d'un quotient électoral.


WHAT?


Six disciples de Kelsen et quelques sciences-polibobos ont mis plus d'une demie heure pour arriver à comprendre la formule. Personnellement je n'ai pas encore compris et je n'essayerai pas.

Par contre, ce que j'ai bien vu, c'est à quel point cette formule ésotérique a bien eu des effets exotériques au sein du autrefois cool groupe.


Dans n'importe quel pays civilisé, y compris le Tadjikistan, l'on serait restés sur la formule du « plus fort gagne». Id est, celui qui lance le nain le plus loin ou qui mange la plus grosse quantité de pâte à la carbonara.

Voilà non. Au lieu de mettre l'accent sur le mot « fort », les brillantes cervelles sur-diplômées de la promo ont choisi de se focaliser sur le mot « tête ». Résultat... une méga grosse prise de tête qui dure encore jusqu'aujourd'hui.


Face au conflit potentiel, quelques voix bien intentionnées ont demandé une nomination consensuelle, mais encore « hélas, hélas, hélas », il était trop tard.

Je soupçonne qu'il y a eu plus d'un qui ayant bien compris la formule à la façon Tadjikistane depuis le début, s'est tout simplement cru plus fort que les autres. Il a fallu alors voter.


Historiquement, dans n'importe quel pays civilisé y compris la Rome ancienne et la Norkatie, on laissait quand même aux victimes la possibilité de se sauver, soit grâce au manque d'appétit des fauves ou l'état d'esprit de la foule. Ce ne fût pas le cas lors de la votation.

Depuis Gettysburg peu de jours ont vu autant de corps et des égos empilés. Et le mélange de sensibilités heurtées avec incertitude procédural a fait le reste. L'ambiance d'antan et devenue aussi festive qu'une direction de stages.


Un Autrichien célèbre pour ses prises de tête a dit que les controverses philosophiques (et pour quoi pas électorales) sont dues à une mécompréhension de la structure logique du langage. Je propose donc revenir aux fondamentaux et d'une fois pour toutes lancer le nain.

Y-a-t-il de candidats?